Au ive siècle, saint Augustin avait exprimé une théorie de la juste guerre à laquelle l'Église s'était ralliée.
Au ixe siècle, les papes s'étaient efforcés de créer les « milices du Christ » pour protéger Rome, menacée par la seconde vague d'invasions .
Bénie par le pape et conduite par les monarques des royaumes chrétiens de la vieille Europe,
Urbain s'adressa à la foule en français : « Ô peuple des Francs ! Peuple aimé et élu de Dieu !
De Jérusalem et de Constantinople s'est répandue la grave nouvelle qu'une race mauditetotalement étrangère à Dieu, a envahi les terres chrétiennes, les dépeuplant par le fer et le feu. Les envahisseurs ont fait des prisonniers : ils en prennent une partie comme esclaves sur leurs terres, les autres sont mis à mort après de cruelles tortures. Ils ont détruits les autels après les avoir profanés. Cessez de vous haïr !
Mettez fin à vos querelles Prenez le chemin du Saint Sépulcre, arrachez cette terre à une race maligne, soumettez-là !
Jérusalem est une terre fertile, un paradis de délices. Cette cité royale, au centre de la terre, vous implore de venir à son aide. Partez promptement, et vous obtiendrez le pardon de vos fautes ! Souvenez-vous aussi que vous recevrez pour cela des honneurs et la gloire éternelle au royaume des cieux. »
Un frémissement, des murmures, des cris d'indignation étouffés parcoururent alors la foule. Un célèbre moine prédicateur qui participait au concile de Clermont, Pierre d'Amiens, dit Pierre l'Ermite, poussa ce cri : «Dieu le veut !». La foule le reprit comme un grondement de tonnerre : «Dieu le veut!».
L'enthousiasme pour la croisade fut énorme : des dizaines de milliers de personnes, y compris les femmes, les vieillards, les enfants, se déclarèrent prêtes à partir libérer le Saint-Sépulcre. Il est hors de doute que la ferveur religieuse fut le moteur principal de cet immense élan.
Mais d'autres facteurs alimentaient aussi cet enthousiasme. Le pape délia serviteurs et vassaux de leur serment de fidélité envers leurs seigneurs durant toute la période de la croisade. C'était une aubaine pour des centaines de petits vassaux, mais encore plus pour des milliers de paysans et de serfs, pour lesquelles la croisade était l'occasion inespérée de sortir de leur condition et de devenir riches.
L'indulgence plénière, c'est-à-dire le pardon de tous les péchés qu'ils avaient commis, était en outre. accordé aux croisés. De plus, ceux-ci ne pouvaient être jugés, s'ils commettaient quelque crime, que par des tribunaux ecclésiastiques, qui étaient disposés à fermer les yeux sur les fautes commises pour la cause sacrée.
L'appel du pape tombé à pic, en effet, depuis l'an Mille, la chrétienté vit un renouveau : les guerriers codifient leurs combats et les paysans, bénéficiant d'une meilleur sécurité, améliorent leurs conditions de vie. La population se met à croître rapidement, et l'Europe connaît un réel essor économique. Le monde a quitté l'âge sombre pour entrer dans le Bas Moyen-Âge.
Les femmes, passives participèrent à la grande entreprise en confectionnant vêtements, couvertures et toiles d'abri : brodant une infinité de bannières avec force flammes, enseignes, insignes, fanions et drapeaux que devaient bientôt arborer sur les champs de bataille les porte-étendards des armées.
Sans parler de mouchoir marqué de deux ou trois larmes d'amour de sa dame, que tout chevalier en partance pour le Proche Orient emportait noué autour de son bras ou caché contre son cœur.
Souvent même, la reine accompagnait son royal conjoint dans l'aventure, suivie elle-même par les dames de la plus haute noblesse, voyageant elles aussi avec leurs époux. En même temps que les comtesses, marquises et autres baronnes, une troupe bigarrée de prostituées suivait. On trouvait également toute une horde de vauriennes, d'entremetteuses, de joueuses invétérées, de truandes et assassines.
C'est ainsi que commença la Première Croisade.
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