Lorsque les musulmans récitent ou écoutent les versets du Qur’ân, ils doivent s’imprégner de leur sens, et réformer leur conscience en fonction du sens des versets.
Lorsque le Paradis est récité, ils doivent y aspirer et placer leur confiance en Dieu, lorsque l’enfer est mentionné, ils doivent chercher à s’en protéger, et à s’en éloigner, et « craindre » Dieu de façon révérencielle et pieuse (ne pas Lui désobéir).
Un jour que l’Envoyé d’Allâh (SAWS) demanda à Ibn Mas’ûd de lui réciter le Qur’ân, ce dernier commença par le début de la surate « Les femmes » et lorsqu’il arriva au verset :
« Et qu’en sera-t-il lorsque Nous produirons un témoin à l’encontre de chaque communauté et que tu seras témoin de la tienne ? » (Qur’ân 4, 41),
il vit que le Prophète ( SAWS) avait les yeux pleins de larmes. Le Prophète (‘SAWS) demande alors à Ibn Mas’ûd d’interrompre sa récitation. Cela montre que le «coeur» du Prophète (SAWS) fut absorbé par la contemplation de ce qu’évoque le verset.
On a rapporté des cas d’hommes pieux et vertueux à un haut degré qui se sont évanouis à l’écoute d’un verset contenant une menace, ou qui ont expérimenté une extase spirituelle intense à la suite de versets traitant de la Grâce Divine, de Sa Miséricorde, de Son Amour, de Ses Bienfaits, de Son Paradis, etc.
Certains, même, en sont morts !
Murtadâ al-Zabîdî dit dans « Ithâf al-Sâdat al-muttaqîn bi-sharh Ihyâ’ ‘ulûm ad-Dîn » (V, p. 113) :
« Abû Ishâq al-Ta’labî, un exégète du Qur’ân, rapporte un grand nombre d’exemples dans son ouvrage « Qatlâ al-Qur’ân » [Ceux qui sont décédés à la lecture du Qur’ân].
Parmi les plus célèbres, se trouve Zarâra ibn Awfâ, de la génération des successeurs. Il fut qadî (juge) de Basra. Son cas est rapporté par At-Tirmidhî [dans ses Sunan] à la fin du chapitre de la prière ».
Le lecteur du Qur’ân devra dépouiller son ego, purifier son âme, et faire preuve d’humilité quand il récite et écoute le Qur’ân (ne pas se considérer comme faisant partie de la catégorie des véridiques ou des vertueux, et prendre au sérieux le moindre péché commis ainsi que le moindre avertissement de Dieu).
Ainsi, quand il dépassera le plan de l’ego, dit Al-Ghazâlî, il ne contemplera plus que Dieu dans sa récitation du Qur’ân, et le Monde Spirituel (malakût) se dévoilera à lui.
On rapporte d’Abû Sulaymân Dârânî (un sage parmi les premières générations des musulmans) les propos suivants : « Pour moi réciter un verset, c’est le répéter en prière durant quatre ou cinq nuits, et si je n’interrompais pas ma méditation sur ce verset, je ne pourrais passer à un autre [de crainte d’avoir négligé la Parole Divine et ses significations ?] ! ».
On rapporte d’un autre salaf, qu’il ne récita que la Surate Hûd pendant six mois sans que sa méditation n’en épuisât le contenu. (Récit rapporté par Abû Tâlib al-Makkî, « Qût al-qulûb », I, p. 50).
Un prédécesseur a dit : « Chaque fois que je commence la récitation d’une surate, je tombe sur un verset qui m’amène à m’arrêter et à le méditer jusqu’à l’aube ». (Récit rapporté par Abû Tâlib al-Makkî, « Qût al-qulûb », I, p. 46).
Un gnostique (connaisseur spirituel) a dit : « J’effectue une récitation du Qur’ân en entier chaque semaine ; j’en effectue une autre chaque mois, et encore une autre chaque année. Enfin, il en est une que j’ai commencé il y a trente ans et que je n’ai pas encore finie ».
(Récit rapporté par Abû Tâlib al-Makkî, « Qût al-qulûb », I, p. 50)
Ces différentes récitations varient en fonction de leur degré de méditation et de recherche du sens. Le même homme disait : « Je me considère comme un employé qui doit rendre différents travaux. Je travaille à différents rythmes : à la journée, à la semaine, au mois et à l’année ».
Il n’est pas rare, de nos jours, d’entendre ou de lire des affirmations péremptoires, des jugements définitifs sur ce que le Coran est censé être.
Ainsi, avons-nous pu lire que « le Coran est un livre de guerre » ou encore « un livre incitant à la haine » sous des plumes plus ou moins islamophobes.
À l’opposé, pour certains apologues de l’Islam, le Coran est « un livre de science » confirmant en tout point certaines théories modernes, comme l’expansion de l’univers ou la gravitation universelle.
En réalité, ces affirmations hâtives et ce concordisme simpliste sont dénués de sens car le Coran ne peut être dit ceci ou cela qu’en fonction d’une certaine lecture. Il n’existe que des lectures du Livre. À son époque, déjà, Ghazâlî avait mesuré toute l’importance de la notion de lecture du Coran. Il avait conscience que la revivification des sciences islamiques n’est possible que par une réforme des consciences, et que celle-ci appelle une lecture du Coran allant au-delà du littéralisme. L’objet de ce traité est précisément d’offrir au lecteur les moyens d’une compréhension en profondeur et d’une méditation de la Parole révélée.
En cela, l’œuvre de Ghazali est, aujourd’hui encore, d’une grande actualité ». Voici quelques citations tirées du livre :
Le Prophète Muhammad (‘SAWS) a dit : « Lorsque ma communauté fera grand cas de la richesse matérielle, l’Islam perdra son charisme. Lorsque ma communauté ne commandera plus le bien et n’interdira plus (sagement) le mal, elle perdra la Bénédiction d’Allâh en rapport avec la Révélation ». (Hadîth cité par Al Hakîm At-Tirmidhî sous l’autorité d’Abû Hurayra, dans « Nawâdir al-usûl »).
Al-Fudayl ibn ‘Iyâd commentait ce hadîth en disant : « Cela signifie que la communauté perdra la [juste] compréhension du Qur’ân ». (Récit rapporté par Abû Hâmid Al-Ghazâlî dans « Lire et comprendre le Qur’ân » – « Kitâb âdâb tilâwat al-Qur’ân » et constitue le huitième livre de sa somme « Ihyâ' »).
Le Prophète Muhammad (‘SAWS) a dit : « Lis le Qur’ân tant qu’il réforme ton comportement car s’il ne le fait pas, c’est que tu ne le lis (comprends) pas comme il le faut ». (Hadîth rapporté par At-Tabarânî, « Musnad al-Shâmiyyîn », n°1345).
Alî ibn Abû Tâlîb (qu’Allâh l’agrée) a dit : « Il n’y a aucun bien dans un acte d’adoration accompli sans connaissance ni dans une récitation du Qur’ân sans méditation ».
(Récit rapporté par Ad-Dârimî, « Sunân », n°305, ainsi que par Abû Nu’aym dans « Hilyat al-awliyâ' » I, p. 88).
‘Alî ibn Abû Tâlîb (qu’Allâh l’agrée) a dit : « L’Envoyé d’Allâh (SAWS) ne m’a pas livré d’enseignements secrets qu’il aurait caché aux gens si ce n’est la compréhension [ésotérique/profonde] du Livre [Qur’ân] qui peut être donné [que] par Allâh ».
(Récit rapporté par Al-Bukhârî, n°6507). Le terme profondeur (aghwâr) désigne dans ce contexte, selon les savants, les vérités spirituelles manifestes du Qur’ân (haqa’îq ghaliyya) et ses aspects subtils (daqâ’iq mahfiyya).
Chaque serviteur est limitée à la compréhension qui lui est propre (et octroyée par Allâh) :
«Il n’est pas un végétal sec ou verdoyant qui ne soit consigné dans un Livre explicite » (Qur’ân 6, 59)
« Dis : Si la mer servait d’encre en vue d’écrire les Paroles de mon Seigneur, elle se serait tarie sans que les Paroles de mon Seigneur aient été épuisées, quand bien même Nous l’aurions doublée d’une autre mer en guise d’encre ». (Qur’ân 18, 109).
‘Alî ibn Abû Tâlîb (qu’Allâh l’agrée) a dit : « Si je le voulais, je pourrais écrire un commentaire de la Surate Al Fâtiha tellement long qu’il faudrait soixante-dix chameaux [NDT : 70 étant un nombre assez symbolique signifiant souvent un développement important ou une grande quantité] pour le transporter ».
(Récit rapporté par Abû Tâlib al-Makkî*, « Qût al-qulûb », I, p. 50).
* Abû Tâlib al-Makkî était un ascète et un maître spirituel, qui enseigna à la Mecque, à Basra et à Baghdâd principalement. Sa date de naissance n’est pas certaine, et il mourut en 386 de l’hégire, soit en 996 de l’ère chrétienne selon les sources les plus probantes.
Il fut considéré par les plus grands savants comme un ascète, un érudit et un grand savant dans plusieurs domaines. Al-Ghazâlî s’inspira beaucoup de lui (notamment pour les références en matière de hadîth et de récits des pieux prédécesseurs).
Il était un aussi un juriste (de l’école shafi’îte) et un traditionniste (spécialiste du hadîth, science très répandue à son époque).
Ibn Taymiyya apprécia également son ouvrage « Qût al-qulûb » et ne lui reprocha globalement rien, si ce n’est qu’il y ait à certains endroits des hadiths faibles (mais pas rejetés ni faux dans leurs énoncés) d’après Ibn Taymiyya (mais le sheikh ul islam du hadîth Ibn Hajar Al Asqalânî avait déjà critiqué et dénoncé les erreurs et les carences du sheikh Ibn Taymiyya dans la science du hadîth et de l’ihsân, qui lui fit rejeter des hadiths sahih ainsi que des avis fondés, et dont il rejeta certains hadiths car il ne les connaissait pas, mais qui existaient selon des chaines bonnes ou authentiques dans d’autres recueils). Cf. aussi : « Le Livre des Haltes », Émir Abd el-Kader, traduction de Abdallah Penot, Dervy, Paris 2008, avec l’aimable autorisation de M. Jean Annestay.
Le Prophète Muhammad (‘SAWS) a dit : « Le Qur’ân a un intérieur et un extérieur, une limite et un point d’ascension ».
(Hadîth rapporté par différents rapporteurs avec des variantes : Ibn Hibbân, At-Tabarânî, Kanz al Ummal, As-Suyûtî, etc., et des paroles similaires étaient prononcées par des salafs comme ‘Alî, Salmân Al Farîsî, Jâ’far As-Sâdiq, etc., ainsi que par des grands savants vertueux, et ce hadîth fait référence aux Attributs Divins mentionnés dans le Qur’ân sur le fait qu’Allâh est L’Intérieur et le Manifeste, ainsi que sur la nature inépuisable de la Parole Divine, et que donc les connaissances et sciences du Qur’ân sont « sans fin »).
Ibn Hibbân rapporte aussi ce hadîth dans son «Mustadrak» : « Le Qur’ân fut révélé selon sept niveaux de lecture [ou de compréhension]. Chaque verset possède un extérieur et un intérieur ».
Une parole similaire est attribuée au compagnon du Prophète (‘SAWS) Ibn Mas’ûd (qu’Allâh l’agrée).
Le compagnon du Prophète (‘SAWS) Abû-l-Dardâ’ (qu’Allâh l’agrée) disait quant à lui : « Nul ne comprend le Qur’ân jusqu’à qu’il perçoive en lui des significations multiples ».
(Récit rapporté par Abû Nu’aym dans son « Hilyat al-awliyâ' », I, p. 211).

Conclusion :

Le saint Coran n’a pas à être conforme à nos habitudes, nos croyances, nos acquis superficiels, nos raccourcis faciles, mais il a pour fonction et mission  principale de nous interpeller. A nous, foi et raison, de tendre vers la voie qu’il indique.

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